LE PORTRAIT DE SHARON EYAL

Crédits photo : Sharon Eyal Dance (S-E-D) – Vital Akimov (Delay the Sadness)

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Chorégraphe israélienne aujourd’hui installée en France, Sharon Eyal incarne une danse qui palpite entre rigueur, transe et beauté.

Après une carrière avec la Batsheva, ses œuvres traversent désormais les scènes du monde entier avec sa propre compagnie fondée en 2013.

« Je n’aime pas quand un danseur est à l’aise — je veux voir la lutte. »
Sharon Eyal, The Guardian

Cette phrase condense toute sa démarche : donner à voir l’effort et la lutte, la beauté née de la résistance. Son univers est une onde — sensuelle et mécanique — où le corps devient le langage du groupe. Chez elle, la tension est le fil rouge de sa recherche.

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De danseuse à chorégraphe 

Née à Jérusalem en 1971, Sharon Eyal débute au sein de la Batsheva Dance Company dirigée par Ohad Naharin, où elle danse de 1990 à 2008. Au cœur de cette institution phare d’Israël, elle découvre le langage Gaga : une technique centrée sur la sensation, l’écoute du corps et la liberté d’expression.
Très vite, Sharon Eyal s’impose comme une figure majeure de la compagnie : directrice artistique associée de 2003 à 2004, puis chorégraphe résidente de 2005 à 2012. C’est là qu’elle crée ses premières pièces dans le cadre du programme Dancers Create. Elle y signe la chorégraphie de seize nouvelles œuvres qui affirment déjà sa ligne artistique :  la rigueur ne contraint pas, elle révèle.

Portrait de Sharon Eyal ©De-Da Productions.

En 2005, elle rencontre Gai Behar, artiste issu des scènes underground et electro de Tel Aviv. Ensemble, ils fondent en 2013 la compagnie L-E-V (du mot hébreu signifiant cœur), qui devient récemment S-E-D (Sharon Eyal Dance), association française.

La trilogie consacrée à l’amour, composée de OCD Love, Love Chapter 2, et Chapter 3 The Brutal Journey of the Heart, participe à la renommée mondiale du duo.

Depuis, ils ont signé plus d’une trentaine de pièces, notamment des œuvres pour des institutions incontournables de la danse comme le Nederlands Dans Theater, l’Opéra national de Paris et le StaatsBallett de Berlin.

Leur parcours est salué par de nombreux prix : le Prix Faust en Allemagne (2018), le Grand Prix des critiques de danse, de musique et de théâtre décerné au Théâtre national de la danse-Chaillot à Paris (2018), le Prix Fedora – Van Cleef & Arpels pour le Ballet (2017), et plus récemment le Grand Prix des Journées néerlandaises de la danse (2025).

Sharon Eyal et Gai Behar développent également de nombreux projets pluridisciplinaires, explorant des domaines aussi variés que la mode – défilés pour Christian Dior Couture et Maria Grazia Chiuri, la musique – en collaboration avec Jamie xx, Ben UFO ou Koreless via le label Young et les arts visuels – aux côtés de l’artiste George Rouy, des galeries Hauser & Wirth et Hannah Barry, ou encore de la designeuse Es Devlin pour Art Basel.

Delay the Sadness – Sharon Eyal (2025). Crédit Photo : Vitali Akimov.

Un langage : l’émotion dans la résistance et la présence

Le style de Sharon Eyal est immédiatement identifiable. Héritière du Gaga, elle en repousse les frontières vers une esthétique singulière et précise : un travail sur la pulsation, la répétition et la densité émotionnelle.

Ses danseurs, souvent perchés sur demi-pointes – “le relevé” – semblent suspendus. Leurs gestes — étirés, saccadés, précis, délicats — tracent un flux continu où chaque mouvement est calculé au millimètre.

La chorégraphie devient architecture vivante : lignes, unissons, respirations communes. Chez Sharon Eyal, la virtuosité ne réside pas dans la prouesse, mais dans l’intensité de la présence.

La musique, souvent signée Ori Lichtik, soutient cette intensité : une pulsation hypnotique qui traverse les corps.

Into the Hairy – Sharon Eyal (2023). Crédit Photo : Vitali Akimov

Sara (2013)

Sara a été créée pour le le Nederlands Dans Theater 2 (NDT 2) en 2013. Sur une musique d’Ori Lichtik, la danse est minimaliste, sensuelle, onirique voire presque irréelle. 

Sara marque un tournant dans la carrière de Sharon Eyal : c’est l’une des premières pièces qu’elle crée pour une compagnie extérieure à la Batsheva. Ainsi, elle sort de son univers familier. C’est le début d’une diffusion internationale de sa voix chorégraphique : elle commence à cristalliser ce qui sera sa signature chorégraphique.

Chapter 3 : The Brutal Journey of the Heart (2019)

Dans Chapter 3 : The Brutal Journey of the Heart, Sharon Eyal clôt sa trilogie consacrée à l’amour et la passion en y traversant ses pulsions et ses folies.
Après OCD Love et Love Chapter 2, la chorégraphe interrogé la complexité du sentiment amoureux à travers une danse explosive et envoûtante. 

Pour sublimer cette danse collective, les danseurs sont vêtus de combinaisons «seconde peau » signées Grazia Maria Chiuri, de la maison Dior.

Strong (2019)

Strong, création signée Sharon Eyal, a vu le jour au Staatsballett de Berlin en 2019. La chorégraphe convoque un large groupe d’interprètes — dix-sept dans la version originale — soudés par une pulsation commune, celle d’une bande-son électro / techno qui rythme la danse.

Le spectacle s’articule autour d’un jeu de forces : le groupe avance en collectif, mais les singularités affleurent, se rebellent, s’émancipent, avant de se faire happer à nouveau par la masse. Ce va-et-vient entre fusion et isolement dessine le fil narratif de l’œuvre : comment exister au milieu des autres sans s’y dissoudre ?

L’expérience scénique de Strong ne repose pas seulement sur le mouvement. Lumières, son et physicalité construisent un ensemble hypnotique, et de transe.

Delay the Sadness (2025)

Avec Delay the Sadness, Sharon Eyal prolonge son dialogue entre puissance et fragilité. L’œuvre dédiée à la  mémoire de sa mère s’attarde sur ce moment où la tristesse devient énergie.
Les corps, d’abord unis, s’effritent lentement, comme si l’unisson se dissolvait dans la solitude. Sur la musique de Josef Laimon, les gestes se répètent jusqu’à l’épuisement, cherchant à retarder l’inévitable : le relâchement, la chute, le deuil. 

Sharon Eyal transforme la mélancolie en force vitale.

En France : un nouveau souffle

Depuis 2022, Sharon Eyal a choisi de baser son activité en France, où S-E-D est désormais une association française enregistrée.

Cet ancrage marque une nouvelle étape : un dialogue renforcé avec la scène européenne, et particulièrement française. Sa pièce Into the Hairy a d’ailleurs été créée au Festival Montpellier Danse 2023. Delay the Sadness est la seconde et dernière création née de ce nouveau chapitre.

En 2023, elle a été nommée Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par la République française — reconnaissance officielle de son apport à la danse contemporaine.

Delay the Sadness – Sharon Eyal (2025). Crédit Photo : Vitali Akimov.

Sharon Eyal transforme la danse en un art du paradoxe : collectif et intime, contrôlé et viscéral. Sa gestuelle, fondée sur la précision et la transe, fait du corps un territoire de lutte et de beauté.
En s’installant en France, elle ouvre un nouveau chapitre — celui d’une chorégraphe internationale qui dialogue désormais avec notre scène, nos institutions et nos sensibilités.
La danse de Sharon Eyal fascine — grâce à sa manière de rendre visible la tension, sans jamais céder à la plainte.

“Je crois en l’histoire qui vient de l’intérieur du corps. »
Sharon Eyal, THE TALKS

Les dates avec Sharon Eyal :

À venir
* Into the Hairy à La Coursive – La Rochelle, 21 et 22 janvier 2026
* The Look, Sharon Eyal par le Ballet de l’Opéra National du Rhin au Théâtre de la Ville de Paris. Du 28 avril au 4 mai 2026.
* Sharon Eyal & Marcos Morau par le GöteborgsOperans Danskompani – Maison de la Danse, Lyon. Du 27 au 31 mai 2026
* House, Sharon Eyal par le Ballet de l’Opéra de Lyon. Les 5 et 6 juin 2026 au Théâtre Théo Argence-Saint Priest.

Théa Breso

Théa danse depuis le plus jeune âge. Désormais danseuse pluri-disciplinaire, elle rêve d’une vie de danse et de voyage.
Depuis peu, elle enrichit sa pratique en posant des mots sur son art.
Les studios et les salles de spectacle sont un peu comme la continuité de son appartement.

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