La danse jazz : une danse aux multiples facettes

Crédits photo : Paul Kolnik (Révélations par l’Alvin Ailey Dance Theater)

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La danse englobe une variété de disciplines et d’écritures.
Classique, urbaine, latine, sportive ou encore jazz sont quelques unes des différentes composantes de l’art du mouvement. La danse, les danses.

Nous connaissons tous la danse jazz. C’est la danse la plus enseignée dans les studios amateurs en France et pourtant elle est peu présente sur les plateaux.

Issue d’une tradition populaire, la danse jazz est un langage du cœur. Sa singularité réside dans un mélange d’énergie et de relaché.

Les origines de la danse Jazz

À l’heure actuelle, nous la connaissons sous le terme Modern jazz. Elle est le résultat de différents mouvements de la culture afro-américaine.

Les prémices de la danse jazz s’observent dès le 17e siècle pendant la période sombre de l’esclavage. La danse et la musique y avaient une place très importante dans la vie quotidienne de cette communauté empêchée.
La danse jazz actuelle puise dans cet héritage son énergie physique, sa polyrythmie et son sens de l’improvisation.

C’est au 19e siècle qu’elle s’ancre plus profondément.
Diverses formes nouvelles de spectacles apparaissent : le Cake Walk (danse populaire née vers 1850 parmi les Noirs du Sud des États-Unis, pour imiter avec ironie l’attitude de leurs maîtres se rendant aux bals) , les Minstrels Shows (forme de spectacle populaire utilisant le blackface) ou encore les Vaudevilles (spectacle de variété mélangeant danse, chant et cirque) mettant en scène l’énergie de cette danse.

Anecdote de Rick Odums dans le podcast 196.
« En Louisiane, les noirs américains jouaient dans les bastringues. Quand le public voulait que ça chauffe encore plus, il scandait « jass it up ! ». Ce qui a donné par la suite le terme jazz. »
Pour Rick Odums, le jazz est métissage
.

La danse jazz naît officiellement au début du 20e siècle aux États-Unis.
À la fin de la Première Guerre mondiale, musique jazz et danse jazz dialoguent et vivent ensemble. Ce courant artistique porté par la communauté noire célèbre la fête, le vivre ensemble.
Dans le cabaret new-yorkais “The Cotton Club”, Louis Armstrong, Duke Ellington et Cab Calloway font danser les Nicholas Brothers, Bill Bojangles ou encore Earl Snakehips Tucker. La musique basée sur le rythme et l’improvisation entraîne des mouvements jubilatoires.
Mais aux débuts des années 1940, certains musiciens jazz, comme Charlie Parker et Dizzy Gillespie, tournent le dos à la tradition pour créer un jazz plus complexe où la virtuosité instrumentale est primordiale. De ce fait, musique et danse prennent des chemins différents.

Aujourd’hui, le terme « danse jazz »  s’emploie pour désigner un large panel de spectacles aux États-Unis : clips, danses de scène, revues, cabarets, comédies musicales ou encore claquettes. Sa définition et son identification sont donc complexes.

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Vers une danse scénique

Pendant la période de l’entre-deux-guerres, le jazz connaît un fort succès dans les cabarets et les night-clubs : beaucoup de danses de couples afro-américaines naissent. C’est le cas du Lindy-hop par exemple.

Puis, les comédies musicales et les claquettes prennent de l’ampleur sur les planches de Broadway comme devant les caméras hollywoodiennes. Le spectacle musical utilise une danse jazz très expressive où la beauté et les mouvements d’ensemble sont très importants. Chantons sous la pluie” de Stanley Donen en 1952 et Tous en scène” de Vincente Minnelli en sont de parfaits exemples.

Fred Astaire en est la star. Danseur, chanteur et musicien, il est, avec sa partenaire Ginger Rogers, l’icône des comédies musicales. En le regardant, danser paraît facile. Toujours souriant et élégant, il séduit le public grâce à son jeu de jambes inédit et virtuose. Légende de la danse, il perfectionne ses enchaînements au millimètre près.

Les claquettes sont une branche de la danse jazz que l’on retrouve beaucoup dans les premières comédies musicales. Dans cette danse musicale, l’artiste accompagne ses mouvements de phrases rythmiques et percussives grâce à ses chaussures ferrées au niveau de la pointe et du talon.

“ Faites-le grand, faites-le bien et faites-le avec style.” Fred Astaire

La danse jazz poursuit son invention jusque dans les années 40. Elle passe d’une danse sociale à une danse de scène grâce à des personnalités comme Jack Cole.

Danseur et chorégraphe américain, Jack Cole se forme auprès de Ted Shawn et Ruth Saint-Denis, fondateurs de la danse moderne, au sein de la Denishawn School. Il danse sur les planches de Broadway avant d’être chorégraphe d’une vingtaine de comédie musicales. Son style s’inspire des danses orientales : sa gestuelle est très angulaire et mêle isolations, travail sur plusieurs niveaux et polyrythmie.
Père fondateur du Modern jazz, il cherche à installer une danse plus sophistiquée dans le paysage chorégraphique américain.

Jack Cole

Le style jazz s’impose alors comme le nouveau langage gestuel de l’époque. Chacun va l’utiliser à sa manière. Bob Fosse le détourne sur scène comme pour le cinéma. 

Bob Fosse est un danseur, chorégraphe, metteur en scène et réalisateur américain. Né en 1927, il va devenir une figure emblématique du genre musical. C’est la séquence Steam heat qui marque la quintessence de son écriture chorégraphique.

Il est connu pour ses œuvres Cabaret et And All That Jazz, Sweet Charity, et Chicago. Bob Fosse invente une danse minutieuse, caractérielle, intime et rythmique : une danse « haute couture » comme pourraient le dire ses héritiers. Il aime beaucoup utiliser la position du hinge, la large quatrième position des pieds, ou encore la jazz hand où les doigts sont très écartés.

“ Les êtres humains naissent avec l’instinct de s’exprimer par le mouvement. Avant même de pouvoir communiquer avec des mots, l’homme primitif dansait au rythme de son propre cœur.”
BOB FOSSE

Bob Fosse et ses danseuses

En parallèle, un mouvement noir américain prend son essor sur les planches des théâtres. Katherine Dunham et Pearl Primus en sont les pionnières. Mais nous retenons souvent l’un de leur héritier : Alvin Ailey.

“DANCE IS FOR EVERYBODY.”
ALVIN AILEY

Célèbre chorégraphe, il travaille à partir de la richesse de la culture noire : musiques, gestes et rythmes. Son but est d’affirmer, de promouvoir et de populariser cette culture. Né en 1931, c’est un artiste très engagé contre les discriminations raciales.
Il crée alors l’Alvin Ailey American Dance Theater en 1958.
Dans sa pièce « Revelations », il propose une danse puissante chargée d’histoire et d’émotions.
Sa danse emprunte des éléments aux techniques modernes Horton et Graham associées à des éléments de la danse africaine et à la danse jazz. Alliant technique et expressivité, les chorégraphies d’Alvin Ailey sont un grand succès mondial. Sa danse est ancrée dans le sol, les isolations et les dissociations sont inévitables, tout comme les barril-jumps et les tilts qui s’enchaînent dans ses chorégraphies. La mobilité de la colonne dans les ondulations est également très présente. Chez le danseur jazz, la colonne est très mobile afin d’offrir de nombreuses possibilités de torsions, de spirales et de mouvements.

La danse Jazz en France

En France, c’est à l’américain Matt Mattox que l’on doit le succès de la danse jazz. Il ne cesse de la renouveler : son style devient subtil, complexe et bien plus éclectique qu’auparavant.

Né en 1921 aux États-Unis, il est danseur, chorégraphe et pédagogue. Tout au long de sa carrière, il a dansé pour des comédies musicales, des films et des réalisations télévisées.

Matt s’installe en France à la fin des années 70 avec sa compagnie JAZZ ART et son école de formation. Dans cet établissement, il forme des centaines de danseurs au freestyle Jazz Dance implantant ainsi durablement la danse jazz sur le territoire français.
Dans son travail, sa pédagogie et son œuvre chorégraphique sont indissociables. Créateur d’exercices comme de ballets, il travaille beaucoup autour de la rythmicité et de la relation à l’espace. Accélérations, suspensions, impulsions sont les maîtres mots de ses chorégraphies. Lorsque l’on parle de l’œuvre de Matt Mattox, nous retenons : dissociation des bras, isolations, rapidité et utilisation de l’espace. Dans sa danse, la mécanique du corps entraîne la tête à travailler : c’est ce qui fait la difficulté comme l’attrait de sa gestuelle. Enfin, nous lui devons une barre d’exercices très complète : il est à l’origine d’une véritable méthode de travail pour les danseurs du monde entier.

« Le corps est une ligne droite dont on peut faire ce que l’on veut.» MATT MATTOX

Aujourd’hui la danse jazz est toujours largement enseignée en France. C’est la danse la plus pratiquée dans les écoles de danse françaises, selon certaines études.

L’un des plus célèbres centres de formation du danseur jazz fut celui de Rick Odums.
Danseur, chorégraphe et pédagogue américain Rick Odums s’est implanté en France avec sa compagnie, les Ballets Jazz de Rick Odums, dans les années 80 puis avec son école, l’Institut de Formation Professionnelle de Rick Odums.
Jusqu’à juin 2023, il a fait vivre la transmission de cette discipline aux jeunes avec l’aide de toute son équipe pédagogique depuis ses studios historiques implantés à la rue de Clichy, puis à Pantin pour ses dernières années d’activités. L’école est désormais fermée.

Anne-Marie Porras est également une figure incontournable de cette danse avec son école L’ EPSEDANSE qu’elle implante à Montpellier dans les années 80 et qui sera le premier centre de formation habilité pour le DE Jazz. Celle qui a choisi le jazz pour la liberté a désormais formé 4 générations de danseurs.

Parmi les ambassadeurs actuels de cette discipline, on peut compter sur Carl Portal, Julie Sicard mais aussi sur Anthony Despras qui en est une figure montante.
Anthony souhaite la rendre accessible à tous en la dansant sur de la musique éclectique.
Sa barre technique est inspirée de celle de Matt Mattox et il travaille autour de la musicalité, des nuances, des notions d’impact et d’impulse, de la fluidité, du travail de poids du corps et des coordinations.

Pour voir du jazz sur scène en 2023 et 2024, quelques idées :
La comédie musicale WEST SIDE STORY au théâtre du Châtelet
Le spectacle Stories de la RB Dance Company en tournée dans toutes la France,

La danse jazz est institutionnalisée en France, au même titre que le classique et le contemporain. Il est possible de passer son DE à Paris de professeur de danse jazz dans les établissements suivants : l’Académie Internationale de la Danse, l’espace Pléiade, le Centre National de la Danse de Pantin ou encore Choreia au Centre des Arts Vivants.
De plus, il existe le Diplôme National Supérieur Professionnel du Danseur en danse jazz présent au sein du Pôle Supérieur d’Enseignement artistique de Paris-Boulogne Billancourt depuis 2011.

Les mouvements fondamentaux de la danse jazz

  • Les 8 Port de Bras
  • Le Ball Change
  • Le Catch Step
  • Le Hip Fall
  • Le Pas de Bourré
  • Le Shuffle

Des Livres à recommander

Sources

  • Éliane Seguin, Histoire de la danse jazz, 2003, éditions Chiron
  • La Danse Jazz et ses fondamentaux, Livre de Cécile Louvel
  • Danses jazz: une poétique de la relation, Livre d’Eliane Seguin
  • “HISTOIRE DE LA DANSE JAZZ” , offjazz.com
  • Présentation d’Anthony Despras sur le site du LAX STUDIO
Lecture à compléter avec les podcasts 195 – Anthony Despras, 196 – Rick Odums et Anne-Marie Porras – 197

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Théa Breso

Théa danse depuis le plus jeune âge. Désormais danseuse pluri-disciplinaire, elle rêve d’une vie de danse et de voyage.
Depuis peu, elle enrichit sa pratique en posant des mots sur son art.
Les studios et les salles de spectacle sont un peu comme la continuité de son appartement.
Théa est stagiaire chez Tous Danseurs.

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