L’interview de CAROLINE DENERVAUD,
PLASTICIENNE DU MOUVEMENT

Crédits photo : Caroline Denervaud

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Caroline Denervaud est artiste plasticienne du mouvement. Caroline mêle le mouvement à sa peinture pour faire éclore des œuvres vibrantes. Par sa démarche, on comprend mieux la beauté d’un corps qui danse dans un espace défini, qu’elle fixe à jamais dans ses peintures. Caroline peint et danse.

Artiste plasticienne du mouvement, peux-tu te présenter Caroline ?

J’habite à Paris depuis 20 ans, mais je suis Lausannoise. Je suis peintre et j’utilise le mouvement pour peindre. On me demande parfois si je suis danseuse, je réponds que je ne sais pas. C’est une éternelle question mais par respect pour les danseurs, je préfère dire que non. J’utilise plutôt le mouvement et la danse dans mon travail de peintre. 

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Comment la danse est-elle entrée dans ta vie ?

Petite, j’ai beaucoup fait de danse et de GRS. J’avais ce besoin de me défouler, de m’exprimer par le mouvement. J’étais une enfant hyper active et hyper rêveuse donc la danse mêlait les deux : l’action du corps qui me projette dans des mondes. Ensuite pendant mon adolescence, la danse m’a un peu sauvée. C’était une échappatoire. J’avais l’impression que tout ce que je n’arrivais pas à dire, tous les ressentis de l’adolescence, je pouvais les extérioriser par le mouvement et en faire quelque chose de beau. J’arrivais à transformer ces incompréhensions en quelque chose de poétique.
C’est ce qui m’a amenée à me poser la question de savoir ce que je voulais faire plus tard. C’était une évidence, la seule chose que je faisais : danser. 

Crédit photo : Romain Ricard

Comment ta recherche picturale a rencontré le mouvement ?

Après une blessure, j’ai fait un rejet total de la danse pendant 10 ans. Je ne pouvais même plus regarder de la danse. Ce que je savais faire, c’était le langage du corps, le dessin et la peinture. Je dessinais quand je ne pouvais pas bouger. J’ai finalement intégré les Beaux-Arts avec l’idée d’apprendre à faire des imprimés pour le textile et donc d’utiliser le dessin, la peinture, et la couleur pour le textile. J’ai cherché ce qui me plaisait le plus : des imprimés, de la broderie, de la gravure, des dessins d’imprimés mélangés. J’ai fait tout un tas de recherches.

Crédit photo : Caroline Denervaud

Dans ma recherche plastique, la danse restait un à-côté, juste pour moi. Je filmais le mouvement pour voir ce qui se passait quand je bougeais. Parfois, je mettais un papier pour ne plus voir le parquet et voir juste le geste. C’est cela qui m’intéressait. Pour inscrire ce mouvement, j’ai commencé à bouger avec quelque chose dans la main. C’est comme cela que les traces ont été créées. Je laissais venir ce qui arrivait, je faisais des tout petits moments d’improvisation pour reprendre conscience de mon corps, du mouvement qui pouvait être créé par lui. C’est aussi très analytique. Beaucoup de choses sortent du corps : des mouvements, des émotions. En me connectant au mouvement, j’ai compris que la danse débordait sur le côté plastique, parce que j’avais énormément à dire avec le corps, beaucoup plus qu’avec le cerveau. Je ne cherche pas à exprimer quelque chose, cela vient tout seul.

“JE RENDS VISIBLE L’EPHÉMÈRE.”

Rouge, Atelier 11

Peux-tu nous raconter l’une de tes dernières créations filmées ?

Elle était spéciale et à deux. J’ai rencontré Constantine Baecher à une exposition. Nous nous sommes parlés quelques minutes et je l’ai invité à venir « faire des traces » à l’atelier. Il a dit oui. Dans ce partage d’énergies, avec quelqu’un qui a son corps, son espace de respiration et de tranquillité, il est important de garder un certain respect. Il y a d’abord l’entrée sur la toile, ensuite le passage à l’intérieur qui se déroule comme un jeu et la sortie en silence. On ne se dit pas quand on rentre et quand on sort, cela se fait naturellement. Notre rencontre était fluide, organique et intense, comme des enfants qui se retrouvent et qui jouent ensemble sans se connaître. Tout cela marche parce que nous sommes des humains. Après 20 minutes de mouvements sur la toile, j’ai peint nos traces.

Dans le jeu des deux corps et du mouvement qui s’est improvisé sur cette toile, ce que je voyais à la caméra, c’était des personnalités, des interactions entre humains. Finalement, tout cela est assez sociologique. On apprend en tant qu’enfant des règles de vie pour vivre en société, pour par la suite devenir des humains civilisés. Là, c’est complètement autre chose : l’humain dans sa dimension « brute », quasi animal. J’ai noté qu’on avait très peu de moments chacun pour soi. On a toujours envie d’aller chercher l’autre, de jouer avec lui. C’est très touchant. Il y a un soin apporté à l’autre, beaucoup de jeu et d’écoute.

Finalement, ton œuvre est multiple ?

Quand je partage mon travail avec des galeristes, je montre des peintures abouties. Les vidéos, le mouvement, la trace sont les fruits de ma recherche qui est la base de ma peinture. C’est intime. Donc il m’a fallu du temps pour l’assumer. Mais le montrer pendant une exposition est un autre pas. Je réalise une performance dès que je mets le pied sur le papier ou la toile jusqu’au moment où j’en sors. Ce moment fait également entièrement partie du processus de création. Il a aussi besoin d’être vu. Lors de la dernière exposition, j’ai essayé de mettre autant en valeur les vidéos que les peintures.

“il faut se faire confiance.
Notre corps sait faire.
Il sait s’exprimer, il en a l’envie.”

Crédit photo : Caroline Denervaud

Sommes-nous « Tous Danseurs » ?

Il faut se faire confiance. Notre corps sait faire. Il sait s’exprimer et il en a l’envie. Quand on met de la musique, tous les petits enfants bougent, même ceux qui restent assis, ils bougent à leur façon. Danser, ce n’est pas forcément exécuter de grands mouvements. Cela peut être très petit, tout à l’intérieur de son corps. J’aime beaucoup faire danser mes muscles, les dissocier sans que cela se voit.
Nous avons tous cela au fond de nous. Nous sommes tous danseurs. 


Extraits du podcast EP.79. Propos recueillis par Dorothée de Cabissole

UNE MUSIQUE à ECOUTER

Un morceau de Jazz

un tableau sur le mouvement à voir

Un Jackson Pollock, le peintre qui danse

UN SPECTACLE DE DANSE à voir

The Tree de Carolyn Carlson

une tenue pour danser

Une robe blanche, parce que la trace s’inscrit dessus

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Dorothée de CabisSole
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