pina BAUSCH EN QUELQUES MOTS

Crédits photo : Pina Bausch

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Difficile de parler de danse sans évoquer le nom de Pina. 
Vous remarquerez d’ailleurs, en tapant son nom dans la barre de recherche Tousdanseurs, que plusieurs des personnalités interviewées lui font référence, et la citent même comme étant une de leur plus grande source d’inspiration. 

De 1940 au début des années 80

Née le 27 Juillet 1940 à Solingen dans une Allemagne en guerre, Philippina Bausch passe son enfance cachée sous les tables du café-restaurant tenu par ses parents,  à observer le comportement des clients qui passent et à écouter leurs conversations. 

Elle entame ensuite des études de danse en Allemagne auprès de Kurt Jooss, un des novateurs de la danse moderne. Jooss,  après avoir fait des études musicales et d’art dramatique, étudie la danse classique et co-fonde en 1927 la  Folkwang-Hochschule à Essen, le temple de la danse expressionniste, dans laquelle Pina fait ses débuts.
Dans une Allemagne des années 30 marquée par la montée du nazisme et la menace de la guerre, Jooss crée de nombreuses œuvres engagées dont  la Table Verte, créé en 1932, considérée comme l’œuvre fondatrice du théâtre dansé, où Jooss représentait de manière prémonitoire la puissance destructrice de la guerre, et l’hypocrisie des politiciens.

La table verte de Kurt Jooss interpertré par le Ballet national du Rhin 2018 – photo d’Agathe Poupeney

Nous y reviendrons un peu plus tard, mais Kurt Jooss influencera l’ensemble de l’œuvre de Pina par son engagement et par la  théâtralité de ses pièces. 

La guerre, et le contexte de l’Allemagne d’après guerre dans lequel elle évolue, alimentera grandement ses créations. Pina mettra en scène la violence, essayera de rebâtir une pensée en allant au plus profond de l’âme humaine. 

En 1958, Philippina obtient une bourse pour étudier à la prestigieuse Juilliard School de New-York. Elle s’inspire de cette ville cosmopolite qui la marque et l’influence. Elle s’enrichit et se perfectionne auprès de plusieurs chorégraphes de renom tels que José Limón, Antony Tudor ou encore Paul Taylor. Elle finit même par rejoindre le New American Ballet en 1961. 

Rappelée par Kurt Jooss en 1962, Pina repart pour l’Allemagne où elle devient soliste du Folkwang Ballet, pour finalement se mettre à la chorégraphie et prendre la relève de Jooss en 1969.  Elle devient alors directrice artistique de la compagnie jusqu’en 1973. 

Cette même année, Pina connaît un tournant important dans sa carrière : le directeur du centre artistique de Wuppertal la sollicite pour qu’elle vienne monter et diriger sa propre compagnie de danse.  Pina part donc pour cette ville de l’Ouest de l’Allemagne, où elle va briller, monter ses spectacles, et diriger ses danseurs qui viennent de tous les continents. 
Entre 1974 et 1978, elle crée  plusieurs œuvres en s’inspirant de son parcours à New York mais aussi beaucoup de toute l’expérience acquise auprès de Jooss.
A Wuppertal, elle crée un tout nouveau style de danse : le théâtre dansé, ou Tanztheater. 
Ces débuts à la Wuppertal n’étaient pas aussi facile qu’on pourrait le penser : lors de sa première soirée, le public était très partagé. Certains ont beaucoup de mal à suivre le fil du spectacle, et refusent catégoriquement ses œuvres : le genre de Pina Bausch ne ressemble en rien à ce qu’ils ont l’habitude de voir lors d’un spectacle de danse.

Pina Bausch
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La reconnaissance à l’international

C’est un peu plus tard, au début des années 1980, lorsque ses œuvres s’exportent et que Pina connaît un succès phénoménal à l’international, qu’elle commence à être adorée en Allemagne. Ces invitations à l’international se multiplient alors (invitée pour la première fois en France ,au Festival mondial de théâtre de Nancy avec le Sacre du printemps et les Sept Péchés capitaux en avril 1977, puis Café Müller en mai 1980), et ses œuvres telles que Le Sacre du Printemps (1975), Café Müller (1978) ou Kontakthof (1978)  sont entrées dans l’histoire, et font désormais partie du répertoire de nombreuses des compagnies les plus prestigieuses. 

A titre d’exemple, le répertoire du Ballet de l’Opéra National de Paris compte désormais trois pièces de Pina Bausch : Le Sacre du printemps (1997), Orphée et Eurydice (2005) et plus récemment, Kontakthof (qui fait partie de la programmation de la saison 2022/2023).

Le Ballet national de Paris dans « Orphée et Eurydice » de Pina Bausch par Charles Duprat

Le souffle de Pina Bausch

Au-delà du fait que Pina ait inventé un tout nouveau genre de danse, elle a également révolutionné le monde de la danse par sa technique de création et sa manière de diriger ses danseurs. 
Au début d’un processus de création, Pina pose des questions à ses interprètes : comment danser l’amour ? La haine ? Quelles sont les différentes manières de s’asseoir ? 
Et ensuite, tout comme elle le faisait dans son enfance au café de ses parents, elle observe en silence les improvisations de ses danseurs, et retient plusieurs de leurs mouvements pour ses créations. 
Vous l’aurez donc compris : la base de ses créations, ce sont ses danseurs, leurs comportements, l’humain, les relations humaines dont elle réinterroge les problématiques essentielles dans l’ensemble de ses œuvres.
Elle a d’ailleurs toujours insisté sur le fait que l’on ne peut juger son travail sur le seul plan chorégraphique.
Son théâtre dansé incarne une certaine attitude par rapport au monde et observe, avec une sincérité, le comportement des êtres, sans les juger.
Elle montre les hommes et les femmes tels qu’ils sont et non pas comme ils devraient être.
Les danseurs de Pina se servent de leurs corps et de leurs énergies pour raconter une histoire. 
Mais à ses débuts, le théâtre dansé de Pina pose problème car il n’y a pas de fil rouge : les scènes s’enchevêtrent, et ne suivent pas de logique. La pièce prend tout son sens lorsque le spectateur commence à “faire corps” avec ce qui est montré sur scène , lorsque le théâtre dansé réveille des sensations et des sentiments. Il n’est alors plus simple spectateur, mais devient témoin d’une interprétation de la réalité et est amené à s’engager dans cette réalité.

Pina en quelques dates

27 Juillet 1940 : Naissance de Philippina Bausch à Solingen (Allemagne)
1945 : Entrée à l’école de ballet (?)
1955 : Formation à l’école de Folkwang-Hochschule d’Essen dirigée par Kurt Jooss
1958 : Bourse pour étudier à la Julliard School de New York
1962 : Kurt Jooss lui propose d’intégrer le Folkwang Ballet en tant que soliste et assistante chorégraphique
1969 : Création de la pièce Im Wind der Zeit : lui vaut le premier prix du Concours chorégraphique de l’Académie internationale d’été à Cologne
1973 : Pina prend les rênes du Wuppertaler Buhnen Ballet
1974 : Création de la première pièce Fritz avec le Wuppertaler Buhnen Ballet
1975 : Création du  Sacre du Printemps et d’Orphée et Eurydice 
1978 : Café Muller et  Kontakthof
1980 : 1980 une pièce de Pina Bausch 
1986 : Voyage dans le monde entier au gré de coproductions et résidences dans différentes villes 12 Juin 2009 : ultime spectacle au Chili – Como el musguito en la piedra, ay si, si, si, si

Trois créations majeures

Le Sacre du printemps (1975) : 
 -> Thématiques générales : lutte des sexes, rapport hommes/femmes, sexisme, sacrifice des femmes
Le Sacre est une œuvre composée par Stravinsky, et initialement chorégraphiée par Nijinski pour les ballets russes de Diaghilev.
Dans la version que Pina Bausch propose, elle situe la pièce dans une société moderne quelconque. L’intrigue se concentre sur le sacrifice symbolisé par une jeune femme, et sur la brutalité de l’acte.
Le décor est surprenant, puisqu’il s’agit du sol du plateau recouvert d’une couche de terre qui transforme l’espace en un véritable lieu de combat. La terre présente sur le plateau devient un élément du spectacle : elle s’attache aux costumes (qui sont des robes fluides et amples pour les filles et des pantalons pour les garçons), et colle aux dos des hommes.

Crédits photo : Agathe Poupeney – Opéra Nationale de Paris

 Café MULLER (1978) , pièce fondatrice et culte du mouvement Tanztheater.
-> Thématiques générales : incommunicabilité, singularité d’autrui, infatigable quête d’intimité, douleur, amour. 
Le décor est simple et inspiré du bistrot de ses parents : une salle de café grise de saleté, remplie de tables de café et d’une douzaine de chaises. L’obscurité. Au fond, une porte à tambour en verre.
Ici, les chaises sont les signes de l’absence, la vacuité et l’impossibilité de communiquer. Tout au long de la pièce, elles constituent des obstacles à la liberté du mouvement. 
Dans sa création d’une demi-heure, Pina Bausch danse elle-même sur les thèmes de la rupture amoureuse, de la douleur et du désespoir. 
Tout au long de la pièce, on a l’impression d’être dans un rêve : plusieurs danseurs, dont Pina, dansent d’ailleurs les yeux fermés. Une seule personne est réveillée et l’on pourrait croire que sa mission est de protéger les autres, qui sont comme victimes d’un enchantement. 
Sur une musique d’Henry Purcell.

KONTAKTHOF (1978) : 
-> Thématiques générales : art de la scène, conflits hommes/femmes, prostitution, union, contact
Étymologiquement, le mot Kontakthof désigne un lieu où le corps est une marchandise, où les prostituées rencontrent les clients. Dans cette pièce, Pina souhaite mettre en lumière , entre autres thématiques, les contraintes de devoir se produire sur scène et de devoir se vendre.
Cela passe dans une grande pièce grise à haut plafond, aménagée en salle de danse avec une estrade, un piano, un cheval à bascule automatique et une rangée de chaises; 
La pièce est conçue comme une succession de scènes où hommes et femmes courent, marchent, dansent, se cherchent et interagissent de différentes manières, pour raconter une multitude de relations.

Crédit photo : Kontakthof 2022/2023 par Julien Benhamou

Sources : 
Livres 
– Pina Bausch ou l’art de dresser un poisson rouge – Norbert Servos 
– Pina Bausch – Rosita Boisseau et Laurent Philippe
– Chez.pina.bausch.de – Jo Ann Endicott

Articles  
https://www.radiofrance.fr/francemusique/pina-bausch-raconter-l-humain-par-la-danse-7494750
http://evene.lefigaro.fr/celebre/biographie/pina-bausch-17986.php
https://www.vogue.fr/culture/en-vogue/diaporama/pina-bausch-la-danse-cingnique/7958
https://www.lemonde.fr/archives/article/1995/02/10/pina-bausch-l-exorciste_3834939_1819218.html

Films
– Les rêves dansants, un film de Anne Linsel et Rainer Hoffmann
– Pina de Wim Wenders

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hela nouri
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