L’interview
de Cédric Klapisch,
« En Corps »

Crédits photo : Emmanuelle Jacobson Roques (Cédric Klapisch et Marion Barbeau)

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Le réalisateur Cédric Klapisch aime filmer la danse qui tient le 1er rôle de son film En Corps. Il se dit heureux car privilégié de pouvoir filmer le mouvement, la liberté, la vie. Et il nous raconte son bonheur d’être dans cet instant.

Cédric, pourquoi la danse est dans ta vie ?

« Je ne sais pas bien, c’est un peu étrange. Je ne sais pas trop qui m’avait acheté un abonnement pour aller au Théâtre de la Ville mais j’ai vu beaucoup de danse à partir de 14, 15 ans. Des amis de mes parents qui faisaient de la danse allaient voir beaucoup de spectacles. Je suis allé voir, notamment avec ma mère et ses amis, de la danse dans les années 70, début 80. Ce qui se faisait en danse à ce moment-là, c’était Merce Cunningham, Carolyn Carlson, Trisha Brown, Pina Bausch. Grâce à cela, j’ai découvert la danse, et je l’ai aimée.
C’est devenu addictif. C’est vraiment un plaisir de spectateur. Je n’ai jamais pris de cours de danse, donc je n’ai pas connu la danse en tant que danseur, hormis le fait de danser dans les fêtes. Il y a eu un moment où Carolyn Carlson et Pina Bausch passaient chaque année au Théâtre de la Ville. Il fallait que j’aille les voir. C’était devenu une passion. Assez rapidement, je préférais ça au théâtre. C’était supérieur. »

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Quels sont les mots que tu aimes poser sur la danse ?

« J’avais appris dans ces années-là que le mot « énergie » revenait beaucoup. Il y a beaucoup d’histoires de transmission d’énergie. C’est peut-être le mot que je sortirais le plus, voir des énergies sur scène. Il y a la notion de corps aussi. Ce n’est pas un hasard si j’ai appelé mon film « En Corps ». Il y a le fait de voir des corps et le mystère du mouvement. Un de mes premiers courts-métrages qui s’appelle « Ce qui me meut », raconte l’histoire d’Étienne-Jules Marey qui est le scientifique qui a étudié la locomotion, notamment la locomotion humaine. Il se posait des questions sur la physiologie et sur le mouvement humain. C’est ce monsieur qui a inventé le cinéma. Il a inventé la caméra qui a été utilisée ensuite par les Frères Lumière. Étymologiquement, la cinématographie, c’est l’écriture du mouvement. Il y a forcément une connexion entre aimer le cinéma et aimer le mouvement. C’est cela que j’ai découvert très tôt. Très souvent, quand on pense au cinéma, on pense à l’audiovisuel. C’est l’association des sons et des images. En vrai, le cinéma, c’est l’écriture avec le mouvement. »

 « Le cinéma, c’est l’écriture avec le mouvement  » 

Tu décides de mettre la danse au cœur d’un long-métrage (ndlr : En Corps). Que souhaites-tu montrer de la danse ?

« J’ai longtemps réfléchi à comment aborder cela. J’avais compris assez rapidement que je ne voulais pas faire une comédie musicale et qu’il fallait que je choisisse une danseuse. Je voulais que ce soit plutôt une femme qui ait le rôle principal. J’ai vite compris que ce n’était pas une actrice qui savait danser, mais que c’était plutôt une danseuse qui savait jouer. J’ai choisi Marion Barbeau parce qu’elle a travaillé avec Hofesh Shechter et parce qu’elle est aussi forte en danse classique qu’en danse contemporaine. J’avais besoin de quelqu’un qui avait cette double habileté. Marion Barbeau, j’ai senti que c’était quelqu’un qui pouvait jouer et porter en elle une émotion. Maintenant que le film est presque fini, je vois que je ne me suis pas trompé.

Crédits photo : Emannuelle Jacobson Roques
Crédits photo : Emmanuelle Jacobson Roques (Cédric Klapisch)

Et je souhaitais raconter la vie des danseurs, les coulisses de la danse. J’ai choisi une danseuse et une histoire. C’est quelqu’un qui se blesse au début du film, qui pense qu’elle ne va plus pouvoir danser et qui se pose la question de « À quoi sert la danse ? », « Pourquoi cela me manque quand ce n’est plus là ? », « À quoi sert le corps ? ». Le but était de montrer ce que l’on ne voit jamais. Les gens ne connaissent pas les coulisses de la danse. »

 « À quoi sert la danse ?
Pourquoi ça me manque quand ce n’est plus là ? À quoi ça sert le corps ? » 

Dans ce film, comment voulais-tu filmer la danse ? Avais-tu une idée très précise au départ ?

« Non et cela continue d’évoluer pendant le montage. On a compris qu’il fallait être cinématographique. On en a beaucoup parlé avec Hofesh. Il nous disait « Je considère que toute danse filmée n’est plus de la danse » et je suis d’accord avec lui. À chaque fois que je fais une captation, je pars vaincu. Je sais que cela va être moins bien que le spectacle. L’idée du live est très importante dans la danse, peut-être encore plus que dans le théâtre. Quand on va voir un spectacle de danse, le fait de le mettre en vidéo, en film, c’est le tuer directement. En revanche, on peut faire du cinéma avec la danse. C’est cela que j’ai essayé de faire. »

Crédit Photos : Emmanuelle Jacobson Roques

Finalement, qu’est-ce que la danse permet à l’Homme ?

« Nietzsche parle du dépassement. Il faudrait que je lise ce qu’il écrit sur la danse, puisque je pense être d’accord avec lui. Chez Nietzsche, il y a le côté trop humain. Cela va jusqu’au bout de ce qu’est l’Homme, sur ce que l’Homme peut fabriquer de mieux. Nietzsche développe également la problématique du génie. Lorsque l’Homme va jusqu’au bout de ses capacités. Danser, c’est aller au bout de ses capacités corporelles. »

Extraits de l’épisode 72. Propos recueillis par Dorothée de Cabissole

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  • Aurélie Dupont, l’espace d’un instant.
Dorothée de CabisSole
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