L’interview de germain louvet
danseur étoile
de l’Opéra de Paris

Crédits photo : Julien Benhamou (Germain Louvet)

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Germain Louvet, danseur étoile de l’Opéra de Paris depuis l’âge de 23 ans, danse comme une évidence. Il aime le décorum de l’Opéra et le cadre donné par le langage chorégraphique du ballet qui le pousse à imaginer un « hors le cadre. » Germain est un danseur en mouvement à la parole libre.

Germain, peux-tu te présenter ?

J’ai 27 ans et je suis danseur à l’Opéra de Paris. J’ai été nommé danseur étoile en 2016 par Aurélie Dupont après une représentation du Lac des Cygnes à l’Opéra Bastille. Cela fait plus de quatre ans que je danse des rôles magnifiques à l’Opéra. Je m’éclate. Je suis danseur professionnel depuis presque 10 ans et cela fait quasiment 25 ans que je danse.”

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Pourquoi la danse est entrée dans ta vie ?

À 4 ans, j’ai demandé à mes parents de m’inscrire aux cours de danse de mon village, à Givry, parce que je dansais tout le temps. La musique était souvent à l’écoute chez mes parents. Et comme j’étais plein d’énergie, je passais beaucoup de temps à danser. Quand mes parents m’ont demandé si je voulais pratiquer une activité, j’ai dit que je voulais faire de la danse. Donc j’ai commencé par-là : par du modern’jazz et par la suite, cela s’est fait très naturellement. À 7 ans, j’ai intégré le Conservatoire National Régional de Chalon-sur-Saône pour faire de la danse classique.”

Que te permettait la danse dans ton enfance ?

Pour commencer, c’était très cathartique de danser. C’était un peu un défouloir, même si c’est très rigoureux et très codifié. Nous sommes juste là pour danser et danser en soi est déjà quelque chose qui parle de lui-même.
La danse est elle-même une émotion. Le mouvement crée de la matière, crée de l’espace, crée une sensation, crée des identifications et une multitude de possibilités, d’émotions, d’images.

« Le rêve d’être danseur, je ne l’avais pas. Je ne savais même pas que cela existait. Moi, je faisais de la danse pour danser. »

À 12 ans, tu intègres l’École de danse de l’Opéra de Paris. Est-ce qu’il y a une différence d’enseignement entre les filles et les garçons ?

Très tôt, on demande aux filles de faire des pointes et on ne leur demande pas les mêmes critères physiques. Pendant l’adolescence, le corps change beaucoup.
Je pense que physiologiquement, un garçon adolescent qui se dépense n’a pas trop de mal à avoir une physicalité qui évolue de manière fluide.
Une fille, c’est différent. Il y a des moments où le corps change. Je pense que le passage de l’adolescence pour les filles est beaucoup plus dur dans la danse classique que pour les garçons. La violence que l’on impose à leur corps pour rester dans les critères esthétiques est très forte parce que le corps bouge très vite. Les garçons, on nous pousse à sauter haut, à être puissant, à émaner de la puissance.

Crédit photo : Matthew Brookes

Comment abordes-tu les ballets dans lesquels tu danses ?

Je fais des recoupements. Je cherche des images de danseurs que j’admire ou des danseurs qui ne me ressemblent pas du tout, mais qui m’intéressent, et qui peuvent justement m’enrichir parce qu’ils ne me ressemblent pas. Je prends aussi les conseils des danseurs et des maîtres de ballet qui ont beaucoup d’expérience, qui ont vu et fait plein de choses. Parfois, cela m’arrive de prendre le contre-pied de ce que l’on me dit. Et cela peut créer des conflits, mais c’est ce qui est enrichissant dans le dialogue entre transmetteurs et interprètes. Quand tu danses un ballet classique interprété depuis 150 ans par tous les plus grands danseurs du monde, il faut prendre toutes les pièces du puzzle du ballet et arriver à faire un tableau qui est unique : le sien. C’est parfois très dur. Nous sommes très tentés d’imiter.

Pourquoi danses-tu ?

Parce que c’est évident. Parce que je n’ai pour l’instant pas trouvé d’autres manières de vivre. Je danserai peut-être un jour d’une autre manière. Pas forcément avec mon corps.
Il faut dissocier la danse en tant que pratique quotidienne et en tant que métier. Si j’avais un métier totalement administratif, je continuerais à danser à ma manière. J’irais prendre des cours à droite, à gauche, ou je danserais juste dans mon salon. Nous n’avons pas vraiment de réponse à « pourquoi on danse ». Nous le faisons parce que c’est évident. C’est un choix, une construction, l’aboutissement d’un développement. Je suis voué à la danse.

« Avoir été nommé danseur étoile m’a permis de sortir de la hiérarchie du Ballet de l’Opéra. C’est comme un ticket de liberté »

On peut d’un coup s’autoriser à prendre les risques d’être qui l’on est. Ce n’est pas que l’Opéra nous interdit de se l’autoriser avant. Je me suis juste rendu compte que je n’avais pas besoin de plaire pour que mon travail soit validé. Je n’avais pas besoin de reconnaissance. J’étais un peu hors de cette structure et la seule structure qui me restait, c’était celle que je m’imposais à moi-même. À travers ce micro, je me sens libre de dire ce que je pense. Je n’ai pas peur que ce soit un frein à ma carrière.”

Germain Louvet, danseur étoile de l'Opéra de Paris
Crédit : Thierry Legoues. Germain Louvet, danseur étoile de l’Opéra de Paris

On te dit danseur engagé. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Je trouve qu’aujourd’hui, nous sommes dans un monde extrêmement politique, mais dont les politiques donnent à tout le monde envie de fuir la politique. On se rend compte qu’on ne peut régler les problèmes qui sont les nôtres qu’à travers la politique. Pour autant, nous n’avons jamais été aussi peu intéressés par le discours des politiques. C’est un peu ambivalent ce que je dis, mais j’éprouve vraiment le danger de cette période. Aujourd’hui, il ne faut pas avoir peur d’avoir des idées. Il ne faut pas avoir peur de se documenter parce qu’avoir des idées en cliquant sur des liens Facebook sans source, cela ne suffit pas. Je pense que nous sommes dans une crise de l’information parce que nous sommes paumés, noyés dans les outils de communication et d’information et cela me semble primordial d’avoir une conscience du commun, du collectif. Nous sommes à l’aube d’une crise écologique, et en ce moment d’une crise économique. Nous sommes déjà spectateurs de plein de crises sociales voire, acteurs. Nous ne pouvons pas juste fermer les yeux et se dire que tout ira bien. Il faut se pencher sur les sujets et ne pas hésiter à s’exprimer.”

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Dorothée de CabisSole
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